Une déambulation souriante au milieu des êtres et des choses.

La véritable élégance ne connait pas les modes. Le dernier cri est celui que vous inventerez demain, au hasard de votre humeur et de votre fantaisie. Chargé d’émotions contradictoires, il jouera sur des tonalités dissonantes et ce bruit léger pourtant grave vous fera venir aux lèvres sourires et sanglots. Rares sont les écrivains qui savent dire ces choses. Jacques A. Bertrand est de ceux-là.

Dans ce recueil de textes où s’expriment tout son talent et sa liberté d’esprit, il vous invite à le suivre dans une déambulation souriante au milieu des êtres et des choses.

L’homme au pardessus gris sortit d’une de ses poches un stylographe en laque de Chine
et en fit surgir la plume (or) à l’aide d’un mécanisme dit « à vis » habilement dissimulé
dans le corps de l’objet. Il réclama ensuite une feuille de papier et demeura quelques
instants l’air songeur.
À quoi songeait cet homme, nous ne le saurons certainement jamais vu qu’il finit par
froisser la feuille sans avoir rien écrit, rentra la plume dans le corps laqué du stylographe
par un mouvement giratoire inverse du précédent et s’en alla. Nous restâmes dans ce
bistrot (car c’était un bistrot) à contempler la feuille de papier froissée.
Si l’homme n’avait rien écrit, ce n’était certes pas qu’il n’eût rien à dire – car l’homme le
plus taciturne porte en lui un fleuve de paroles, nous ne l’ignorions pas. Mais il faut
beaucoup de mots froissés pour faire une phrase, beaucoup de pages froissées pour faire
un livre et beaucoup d’hommes froissés pour faire une époque.